L’article ci-dessous date des années 80’ et son auteur est Christian Lacombe. C’était le reflet d’une époque ; dans tous les cas une façon «
d’être » et de "
vivre".
Comme vous le savez, j’ai l’habitude de respecter la personne, l’écrivain, le photographe qui vous permet au travers de récits et photos d’époque de faire vagabonder votre esprit, tressaillir votre «
âme de motard ».
Les motardsLes gens les plus divers peuvent se rencontrer autour d’une moto flambant neuve stationnée sur le bord d’un trottoir. Il y a là les tout jeunes qui commentent les performances lues sur le compteur, après s’être tordu le cou pour bien lire, et les vieux qui se remémorent le bon temps ; ces vieux ont connu la moto jadis, entre les deux guerres ; le feu sacré qui les possédait alors rougeoit encore faiblement à la vue des derniers monstres japonais. Se souviennent-ils comment leur est venue la passion ? Peut-être en lisant les instruments de bord des motos d’avant la Première….
FascinationLes grosses motos exercent depuis toujours une fascination sur les jeunes, au même titre que la voiture de course, la locomotive et l’avion. Peut-être parce que ces engins leur paraissent inaccessibles… Le motard, l’aviateur sont des marginaux de la société, des savants de la «
chose » mécanique qui partagent, l’un dans les airs, l’autre sur la terre, des sensations communes que résume le mot «
liberté ». La liberté est la raison profonde du pourquoi de la moto.
Pour un jeune, la moto libère des contraintes familiales ; elle donne l’indépendance, l’autonomie, efface les cauchemardesques week-ends en famille, l’entassement dans les voitures, les retours embouteillés du dimanche soir. Libre de partir seul, de prendre la route que l’on veut, de s’arrêter où l’on veut, quand on veut. Dans une vie, ce sont là les premiers moments de vraie liberté que la plupart connaissent aux alentours de seize ans, mais auxquels chacun pense bien avant, sachant déjà que la moto, serait-ce une 80 cm3, est l’outil de cette liberté.
Comme on en a rêvé, comme on le désire, cette première machine !
Après avoir lu les prospectus à les connaître par cœur, s’être usé les yeux à la détailler dans le magasin ou sur une photo, avoir bondi en entendant prononcer son nom. Puis les problèmes tournés et retournés dans la tête avant de s’endormir
décider les parents, trouver l’argent, désir angoissant capable de perturber jusqu’aux résultats scolaires et d’où naîtra la passion.
Enfin, le premier voyage, inoubliable !
D’abord emprunté, malhabile, on s’excuse auprès de la machine de ses maladresses, des surrégimes, des vitesses manquées. Très vite, le dialogue s’instaure
«
Allez petite, courage, plus que 300 km. Ne mollis pas, regarde cette ligne droite là-bas, tu vas pouvoir piquer un sprint. Vivement les virages qu’on s’amuse. Que me fais-tu comme bruit, ça ne va pas ? » Cependant, au terme du voyage, on a le cœur débordant de reconnaissance.
Les joies de la routeSe lever de bon matin, s’équiper minutieusement, démarrer la moto dans le silence du jour naissant et prendre la route au soleil levant, ce sont là des moments inoubliables. La route à moto, c’est la liberté de doubler sans effort et sans appréhension, de se jouer des embouteillages ; on circule sur les mêmes chemins que les automobilistes mais avec pour seules contraintes les intempéries et les limitations de vitesse.
La moto, si elle est reine des routes nationales, procure plus de plaisir encore sur les départementales tortueuses ; l’automobiliste cherche toujours la route la plus droite, le motard lui se complaît dans les virages. C’est là tout le plaisir de la moto
pencher, enchaîner les virages au rythme de ses compétences en une danse élégante ou effrénée…. L’expression «
faire corps avec sa machine » prend ici toute sa dimension.
Lorsque le rythme s’accélère, la moto laisse entrevoir ses qualités ou ses faiblesses ; si elle est parfaite, si elle obéit au doigt et à l’œil,
cas rarissime, on prend plaisir à analyser ses qualités et tout semble facile. Mais, paradoxalement, quand il faut se battre avec pour l’emmener là où l’on veut, le fait de devoir la dominer est également une source de plaisir. Dans tous les cas, quelles que soient les circonstances, la moto est une promesse de joie….
Qui fait de la moto ?Principalement des jeunes. En 1980, la moyenne d’âge du motard était de 21 ans. Jusqu’à 250 cm3, les propriétaires de motos sont en majorité des étudiants ; au-delà le prix élevé des machines ne les rend accessibles qu’aux salariés. Les possesseurs de 500 cm3 et + ont pour la plupart entre 21 et 25 ans, les + de 25 ans ne représentent que 30 % des motards.
Le racisme social n’existe pour ainsi dire pas dans ce domaine
la plus coûteuse des machines est en effet accessible à l’ouvrier puisqu’elle ne vaut pas + chère qu’une voiture 6 cv. Par ailleurs, le dénominateur commun «
passion » gomme efficacement les barrières de classes. Les motards qui se retrouvent dans une «
concentre » s’intéressent peu à qui fait quoi dans la vie.
Il n’en est pas moins vrai que la majorité des motards sont peu fortunés et se saignent aux quatre veines pour assouvir leur passion, qui, de ce fait ne peut être qu’exclusive. L’investissement peut paraître exagéré et occasionne parfois des drames (
abandon des études pour entrer dans la vie active afin de s’offrir une moto au grand dam des parents, rupture avec une fiancée jalouse de la machine, dépressions nerveuses à cause de problèmes liés à la moto, etc…..).Mais, par ailleurs, la moto peut être une excellente thérapeutique. C’est ainsi qu’elle sert souvent de remède à la délinquance ; le jeune voyou rejeté par sa famille trouve facilement dans le monde de la moto une nouvelle fraternité susceptible de le transformer radicalement, et d’autant plus vite qu’il se passionne pour la bécane. La confrérie des motards n’est pas un leurre, elle existe bel et bien, sans hiérarchie, sans organisation ; l’amour de la moto est un lien solide, qui rend les motards serviables entre-eux ; le signe de la main ou l’appel de phare lorsqu’on se croise, les dépannages sur le bord de la route, le tutoiement immédiat, l’hospitalité sont les grandes caractéristiques de cette solidarité.
mjcharlie
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Pour compléter cet article et ajouter quelques mots au commentaire d’Yves
(Stok51) que nous aimons et apprécions pour ses qualités, il est vrai que l’on donnait à la moto un autre sens qu’aujourd’hui.
Posséder une moto pour la première fois, c’était comme si l’on découvrait le sentiment amoureux. Il faut se remémorer l’argent que pouvait représenter un achat. A moins d’être un «
fils à papa » et de se faire offrir la machine de ses rêves…. mais c’est bien beau d’avoir une moto si c’est histoire de faire comme tous les jeunes de son âge. Il faut avoir cet esprit motard ancré dans la peau. On ne s’improvise pas motard, «
moi, je…… », «
moi, je les ai toutes eu les bécanes…… » « moi, j’ai tout essayé de la japonaise, en passant par l’allemande, un petit tour chez les italiennes et quoi encore ? » Lequel d'entre-vous n'a pas entendu ce discours ?
Toute petite, je rêvais devant d’immenses poster de champions motos dans ma chambre que mes parents s’empressaient d’enlever dès que j’allais à l’école. J’achetais les bouquins motos en cachette de mes parents….. j’avais acheté ma moto six mois avant d’avoir mon permis et la moto était planquée également dans une vieille grange à la campagne…. Impossible à l’époque qu’une fille puisse aimer la moto, ça faisait très «
dévergondé ». Ce fut une bataille de tous les jours et le jour arrive où on ne se bat plus avec ses propres parents. On prend le large et la vie continue. Bien sûr, pas facile de s’en sortir quand on a investi tout son salaire dans l’entretien de la moto.
Je n’avais pas la chance d’Yves pour m’occuper de mes propres motos (
tout au plus, je savais changer les bougies, faire le niveau d’huile, vérifier le loockeed des freins ainsi que la pression des pneus de ma moto), c’est tout….. et pour savoir tout cela, c’est grâce aux copains qui m’ont donnée de multiples conseils et par la suite, j’ai appris à démonter le moteur de mes premières 125.
Je connaissais déjà mon concessionnaire lorsque j’ai acheté ma première 500 cc. En +, j’ai opté pour un 500 XT yam équipé « Paris-Dakar »….. démarrage au kick et il m’arrivait de rester en haut du kick par la compression. Mon concessionnaire participait au Rallye Paris-Dakar et c’était un homme simple, je dirais même timide. Son magasin était tenu par la famille. L’accueil y était exceptionnel et je pense qu’aujourd’hui c’est impossible d’être reçu de cette manière chez un concessionnaire. On ne regardait pas
l’épaisseur de votre portefeuille, on vous regardait en premier lieu et on discutait avec vous. On parlait de rallyes, des sorties du week end, du rassemblement des motards le vendredi soir et des projets de concentres ou de voyages. Mon concessionnaire ne cherchait pas à me vendre une moto ou un service, il se passionnait pour mes récits de concentre et nos différentes péripéties.
Et puis comme dit Yves, l’entraide motarde avait une signification…. L’anecdote pour les garçons s’arrêtant au bord de la route…. je l’avais oubliée
!!!!!
Tout était prétexte pour ne jamais laisser un motard au bord de la route. Parfois, on avait du retard à nos concentres. Ceux qui nous attendaient commençaient à se faire un sang d’encre…. Il y a eu les potes accidentés que nous avons accompagnés à l’hôpital et parfois ces accidents sont arrivés lors d’un trajet pour une concentre….. le principal pour nous c’est que nos potes étaient en « vie ». Nous en avons suffisamment enterrés même trop…..
Quelle vie, me direz-vous ! c’était la belle vie avec nos motos….. certainement moins de circulation que maintenant et beaucoup moins d’inconscients sur les routes. Nous avions peu d’argent mais nous savions l’utiliser à bon escient.
Pour ma part, la 1ère fois que j’ai investie une somme
disons importante pour l’époque, je l’ai fait en 1982 pour mon 1100 + side-car, il valait 120 000 F (
disons + de 18 000 € pour l’époque). J’ai fait le choix entre acheter une maison ou un attelage pour emmener ma fille. J’ai choisi l’attelage…. Comme j’étais une jeune maman, je me disais que la maison viendrait plus tard, je ne voulais pas de «
port d’attache » seulement la «
liberté » et «
rouler ».
Vingt cinq ans plus tard, si j’avais le choix, j’investirais de nouveau dans un side-car. J’assume complètement mon choix de vie mais il est certain qu’elle est riche par tout ce que la moto m’a procurée.
Je vous ai écris avec mon cœur comme j’ai l’habitude de le faire sur ce forum toujours avec la même sincérité.
Aujourd’hui, il est important de conserver notre état d’esprit motard, nos valeurs afin qu’elle ne disparaissent pas dans le tumulte de la vie.
Bises à vous,
mjcharlie
P.J. les photos de notre ami "Rove"